2022
2022
Propos recueillis auprès de Lilith
Pour parler de ce qui m’a amenée à la marche… Alors, je suis
une maman de deux enfants, j’ai trente-six ans. J’étais auxi-
liaire de puériculture, un métier que j’ai exercé pendant onze
ans. C’est pendant ce temps j’ai repris mes études parce que
je me rendais compte à la Martinique qu’il y avait des choses
qui se passaient qui n’étaient absolument pas normales, des
choses en dehors du droit. Et je ne comprenais pas. Et c’est
parce que je ne comprenais pas le monde et les structures
qui m’entouraient, les structures tacites comme non tacites,
que j’ai voulu reprendre mes études pour comprendre un
peu comment fonctionnaient les institutions entre elles, la
sociologie des personnes et toutes ces choses-là. Parce que,
vraiment, j’étais un peu perdue sur le fait qu’il y ait des
choses qui se passent aux Antilles, que tout soit fait par dé-
cret, comme au temps des colonies, et qu’à côté de ça on a un
statut de département, puis de territoire… C’est donc l’envie de mettre ma pierre à l’édifice du développement de la Martinique qui m’a poussée à reprendre mes études. Et il s’avère qu’en troisième année on a eu un sujet sur les pesticides et je voyais que dans le cours on ne parlait que des pesticides qui dérangeaient un peu l’Union Européenne. J’avais proposé au professeur de parler du chlordécone car je ne comprenais pas pourquoi il ne faisait pas partie de la liste et il m’a dit un truc qui m’a un peu alarmée. Pour une fac de gauche j’ai trouvé ça très bizarre : il m’a dit, « vous savez, ce sont des choses dont on ne parle pas vraiment, on va plutôt rester sur ce qui se passe en France ». Et je lui ai répondu, c’est bizarre, aux dernières nouvelle la Martinique est aussi française. Et il m’a répondu « oui, mais le chlordécone on en parle pas, on peut faire des recherches sur des néo-corticoïdes, mais le chlordécone on va éviter… »
Il s’avère qu’en année de master science po, j’ai eu une professeure qui a proposé un sujet intitulé « le chlordécone, scandales et controverses ». Et il s’avère que c’était seulement la deuxième année qu’elle le proposait dans une fac « bobo-gaucho », parce que Paris 1 c’est clairement une fac de bobo… Je suis banlieusarde donc je le vois très bien. La prof a dit qu’elle regrettait justement ce manque d’ouverture et c’est pour cela qu’elle avait même dû forcer au niveau de l’administration pour présenter ce sujet. J’ai donc pris ce sujet d’étude pour mon master. J’ai fait mon mémoire dessus et c’est à ce moment que j’ai rencontré M. Sirénus qui est président du Collectif des ouvriers agricoles empoisonnés par les pesticides. C’est comme cela qu’on a fait un lien et que j’ai compris que le chlordécone, moi-même qui suis antillaise, on en parlait même pas en famille. C’est un sujet très tabou. Les langues commencent à se délier seulement maintenant. Cela a commencé il y a à peu près une dizaine année, mais le chlordécone est un sujet qui est toujours pris et traité de manière très lointaine, puisque comme c’est aux Antilles, les gens ne se sentent pas concernés ici. Et donc c’est par rapport à ça que j’ai voulu ancrer ce travail, car ils font un travail monstrueux sur le terrain et ils n’ont pas forcément beaucoup de subventions. Et ce sont eux qui ont permis aux ouvriers agricoles de se mobiliser pour leurs droits parce qu’ils travaillaient dans des conditions qui étaient absolument inhumaines. Les mots peuvent paraître forts mais c’est vraiment le cas. Et on a l’impression que le chlordécone est juste un prolongement de l’esclavage. La santé des personnes on s’en fiche. Les conditions de travail, c’était honteux.
J’ai appris tellement de choses durant ce mémoire que j’en ai même fait une dépression pour vous dire. Je me demandais comment peut-on traiter des personnes comme ça, comment un pays qui se proclame « des droits de l’homme » puisse être un pays qui a rétabli l’esclavage, un pays qui enfermait les antillais dans une sorte de bulle. Et ils ne peuvent pas en sortir, parce que les terres ne leur appartiennent pas. Les marchés ne leur appartiennent pas. Et qu’après l’esclavage, les seules personnes qui ont été indemnisées se sont les propriétaires békés. En apprenant tout ça, les conditions d’installation du chlordécone, cela a été très dur et cela m’a motivée à marcher pour en parler. Je voulais que les gens soient au courant, qu’ils s’alarment de ce que leurs concitoyens d’Outre-mer subissent. Et j’ai eu un écho, surtout, au niveau des agriculteurs qui font de l’agriculture bio, pas les autres. L’agriculture conventionnelle, ils s’en fichent un petit peu, mais l’agriculture bio, ils étaient vraiment très touchés parce qu’eux aussi sont impactés par les pesticides. Ils sont dévalorisés par la classe politique et on a donc trouvé un terrain commun.
Le tournant vers la marche, ça a été quand j’ai compris qu’ ici les gens n’étaient pas du tout au courant. On fait des publicités pour la banane vertueuse martiniquaise et guadeloupéenne. Alors que c’est absolument faux. Parce que les terres sont bourrées de chlordécone – maintenant c’est le glyphosate. Il n’y a pas de vie dans les terres, l’eau est polluée à cause du chlordécone et c’est tout un écosystème qui est pourri. Parce que, oui, cela touche des personnes malades, cela touche les terres, les animaux, mais cela fait que cela touche aussi les traditions de pêche, les conditions de vie. On empêche les gens de cultiver ce qu’ils veulent cultiver, car notre terre sert uniquement à de la monoculture. Et tout cela rappelle vraiment l’esclavage et les champs de cannes à sucre à perte de vue pour le sucre colonial. C’est cette façon de faire de l’État qui m’a choquée premièrement et ensuite le courage d’ Yvon et Patricia qui m’a donné envie de faire cette marche afin de récolter des fonds pour que leur association puisse continuer à tourner. Parce que sans eux les ouvriers agricoles ne se seraient jamais mobilisés, parce qu’il y a une crainte. Il y a une crainte du béké, des violences qui sont arrivées. Les békés sont une caste à part aux Antilles. Ce sont des descendants d’esclavagistes qui ont une sociologie et une mentalité qui leur est propre. Et je trouvais cela effarant que les gens ne fassent pas le lien entre le fait que ces gens-là n’ont tellement aucun respect pour la vie humaine des personnes noires, qu’ils ne sont pas dérangés par le fait que des personnes l’épandent et le touchent à la main. Ils demandaient même aux enfants de venir travailler sur les champs de bananes. On donnait aux femmes des régimes de bananes lourds à porter sur des routes qui ne sont pas celles d’aujourd’hui, et on ne permettait pas aux gens d’avoir des voitures pour se déplacer.
C’est l’ensemble de ces conditions de travail choquantes qui m’a donné envie que les gens soient au courant. Et surtout de ne pas rester dans la colère et la tristesse, mais de mettre les gens au courant pour créer une réaction et une prise de conscience collective. L’envie c’était vraiment de réparer ce tissu humanitaire, que l’on puisse essayer de réparer cette fracture qui existe depuis déjà tellement d’années, tellement de siècles … Et cela fonctionne comme ça de manière structurelle en France aussi. Moi je l’ai beaucoup vu parce que je suis une personne noire. Et c’était un ras-le-bol. Nous ne sommes plus au 18e siècle, il faut arrêter avec cet esprit impérialiste. Chaque être humain a le droit de vivre sur Terre dans des conditions dignes.
Le chlordécone a touché énormément de gens à travers le monde et on se rend compte que ce sont toujours les populations du Sud qui en payent les conséquences, ou bien comme dans les pays de l’Est où l’on répand du chlordécone pour traiter la pomme de terre ou le mildiou de la pomme de terre. On considère que c’est pas grave tant que cela ne touche pas l’Europe du Nord. C’est cette manière de traiter les personnes selon leur appartenance et leur provenance qui m’horrifie et me donne envie d’ancrer ce combat ici aussi. Parce que c’est un combat pour une justice environnementale, une justice sociale. Et tout le monde a droit à cette justice en fait.
On s’est mis à envisager la marche comme moyen d’action lorsqu’on a rencontré un jeune homme qui marchait pour récolter de l’argent afin de construire des puits en Afrique. On s’est dit que les gens sont intéressés par ce modèle. Au moment de nos vacances avec mon mari et on s’est dit qu’on pourrait aller marcher, et qu’on pourrait récolter des fonds, parler aux personnes. On a aussi fait des villes-étapes très importantes pour nous. On est parti de chez nous en région parisienne, puis on a fait Nantes, Bordeaux, Toulouse.
Peu de personnes semblent au courant mais en France il n’y a pas qu’un seul port négrier, mais 19. Nantes a largement prospéré grâce au commerce des esclaves, surtout dans la logistique. Les fers étaient préparés à Nantes, aussi les toiles et tissus que les mis en servitudes allaient porter par la suite. C’était très lucratif pour la ville et aujourd’hui quand on s’y rend on le voit encore. À Bordeaux aussi, et à Toulouse où il y a une très grande communauté antillaise qui vit, on voulait faire ces étapes pour marquer les esprits.
Dans cette marche, il y avait une idée de visibilité médiatique, mais ma première idée était de parler aux personnes, d’aller vers la société civile. Parce qu’aujourd’hui c’est nous qui faisons bouger les choses, les politiques ne font rien. À droite comme à gauche le chlordécone n’a dérangé personne. C’est Jacques Chirac qui a installé le chlordécone aux Antilles grâce à des autorisations AAM, sous une forte pression des lobbies des békés. Et les gouvernements successifs n’ont rien fait, ni Mitterrand ou Hollande, à part des plans chlordécone qui ont été décidés sans même consulter les personnes concernées. Avec un problème de cette ampleur là, il n’y a jamais eu de travail législatif fait derrière. Ce n’est que maintenant que cela arrive. L’idée ce n’était justement pas vraiment d’attirer la politique, même si certains s’y intéressent maintenant en période électorale. Mais ils ne nous ont pas plus aidés, à part pour être pris en photo avec nous, sans qu’on les revoie.
L’idée était donc de sortir cette information, de la vulgariser et permettre aux gens et citoyens lambdas de participer à ce changement. Je ne voulais que cela reste dans un cadre universitaire car je sais personnellement ce que c’est que d’être exclue, ne pas forcément être pris au sérieux en fonction du milieu d’où l’on vient.
C’était très important pour moi que les gens soient au courant, et selon leur degré de compréhension puissent suivre le problème du chlordécone. Donc cela impliquait de vulgariser l’information, d’essayer de faire comprendre aux gens qu’il y a des liens entre ce qui se passe là-bas et ici, et que le problème finalement, cela reste toujours le capitalisme et l’argent. Et pour cela on est prêt à massacrer la terre et des gens.
On voulait aussi marcher tous les deux sans forcément que cela s’agrandisse. Parce que moi je lutte pour les ouvriers agricoles et mon mari lui est aussi ouvrier mais dans le gaz. Donc on a voulu lier les combats. Et lui, ce qui l’a vraiment marqué dans ce combat de la lutte contre le chlordécone, qu’il a découvert à mes côtés, c’est qu’il s’est rendu compte que les ouvriers français sont traités à quelques degrés de différences pareil que les ouvriers antillais – même s’il y a un problème racial dans le chlordécone. Mais en fait, c’est toujours la même chose. Les classes prolétaires sont toujours traitées comme les derniers maillons de l’humanité. Les droits ne sont pas respectés de ce côté non plus. Ici c’était les tenues de sécurité qui n’étaient pas respectées, de l’autre côté ce sont les salaires qui ne sont pas respectés non plus. Et en fait, c’est pour ça qu’on a essayé de marcher à deux. Parce que de son côté, étant lui-même ouvrier, il a compris la convergence des luttes.
Là où on voulait être accompagnés, c’était à notre arrivée dans chaque ville. On avait des cortèges qui nous recevaient pour que ce soit symbolique, pour marquer telle ou telle étape. À Nantes, on a été reçu, à Bordeaux aussi. La meilleure étape, c’était celle de Toulouse parce les gens étaient vraiment réceptifs. Donc dès le départ, on avait prévu de marcher à deux en se disant que ce sera notre marque de fabrique. Par contre on informait les mairies de notre passage. Sur le trajet, un maire nous a reçus, et nous a fait un don. C’était touchant parce qu’il n’était pas obligé, ni non plus de se déplacer. Et ce geste était totalement apolitique, c’était vraiment parce que lui, en tant que maire d’une petite ville, il comprenait ce que c’était cette souffrance, cette souffrance des ouvriers agricoles.
Les rencontres au niveau des grosses étapes, c’est le collectif 10 mai qui les avait organisées comme à Toulouse, Bordeaux, où il fallait que l’on fasse des discours. Et puis il y a eu des rencontres totalement hasardeuses avec des gens sur le trajet qui nous demandaient pourquoi l’on marchait, qui s’interrogeaient et qui nous questionnaient. On a parlé à plein de personnes sur le trajet, mon mari et moi.
Quand on marchait, on avait nos gros sacs, notre Instagram et le drapeau de la Martinique avec nous. On avait aussi nos t-shirts floqués du collectif. Et c’est dans les villes étapes, en fait, qu’on était reçus. On avait rendez-vous par exemple sur une place en particulier et on avait une banderole avec nous. Enfin c’était eux qui amenaient la banderole car elle était très lourde. C’était la même qui avait servi à la marche contre Monsanto. Et c’est une banderole qu’on retrouvera sur pratiquement tous les événements anti-chlordécone, c’est la marque de fabrique. Le slogan qu’on avait mis pour la marche et pour la cagnotte, c’était le don à 1€ symbolique par personne.
La marche a eu des retombées médiatiques. On a eu quelques articles de presse pendant le mois d’août et ça a été particulièrement repartagé sur les sites indépendants à l’international. Ça a mis en lumière la lutte et c’est comme ça qu’on a fait le lien avec le collectif Vietnam-Dioxine, qui est ici en France mais qui traite du coup, lui, de l’agent orange.
On a récolté des fonds. Pas assez selon moi. Mais au niveau de la portée médiatique, ça a été totalement fait. Et c’est vrai que, avec mon mari, ça nous a permis de nous faire un nom, ce qu’on ne cherchait pas. Mais mine de rien, ça nous a fait un nom dans le milieu du militantisme, où aujourd’hui, quand on parle de la marche solidaire de Lilith et Chacha, les gens savent que c’est nous. Et depuis aux Antilles, les gens voient vraiment qui on est et qu’on est motivé pour défendre leurs intérêts. Sur les dons, on verra ce que ça donnera par la suite, forts de cette première expérience.
Sur le plan de l’avancement du travail parlementaire, c’est un bon début, mais la reconnaissance symbolique n’est pas suffisante parce que ce serait encore une fois comme reconnaître que l’esclavage est un crime contre l’humanité, mais ne pas indemniser les victimes et les descendants de ces victimes. Donc c’est une bonne première pierre, mais il faut que ça continue parce que le symbolisme ne guérit pas, le symbolisme ne permet pas de faire des chimiothérapies.
On prévoit de refaire une marche mais on n’a pas encore la date précise. Parce qu’il y aura les JO. Et concurrencer les JO, c’est très compliqué, on a peur d’être totalement écrasé au niveau visibilité, donc on verra. Mais on a vu ce que c’était la première, les couacs et les choses qui ont bien fonctionné. Donc je pense pour la prochaine que sera bien plus facile à organiser. Et puis du coup, maintenant, vu qu’on a un nom dans le militantisme, peut-être qu’on sera d’autant plus suivi.
Le parcours était difficile, vraiment. Nous n’avions pas forcément de matériel de qualité parce que mon mari et moi on n’a pas beaucoup de moyens, et on a tout fait tout seul, de manière très artisanale. Et c’est là que je me suis rendue compte qu’on était vraiment passionnés, parce que dormir sur un matelas très fin tous les soirs, devoir changer de campement tous les jours… Je portais près de 14 kilos, mon mari 18, parfois 25, ça dépendait ce qu’on avait comme courses et denrées. Premièrement, ça nous remet les idées en place, on se rend compte qu’on est rien à l’échelle de la planète. Et que l’eau est une denrée vraiment précieuse. Et quand on est rentrés, ça a changé dans nos rapports à la nature. Et on se rend compte de la chance qu’on a quand on est en bonne santé. Et puis on s’est rendu compte encore une fois que cette marche elle est possible dans l’hexagone, mais aux Antilles, absolument pas. Parce que l’eau est polluée. Et que les packs d’eau coûtent très cher. Nous, on se fournissait en eau dans les cimetières en généra
l, parce ce qu’ il y a toujours de l’eau.
On avait des douleurs mais on se disait tous les jours que les malades du chlordécone subissent dans leur chair cette pollution. Et ça nous permet en fait de relativiser sur plein de choses. C’est vrai que ça a été dur psychologiquement, de se dire : parfois on n’est pas entendu. Les gens parfois ne nous donnaient même pas l’heure, ils nous prenaient souvent pour des personnes errantes. Il y avait des regards méprisants aussi.
Mais voilà, c’est vrai qu’une action comme ça, ça change, ça nous change du tout au tout. Notre rapport à la nature est beaucoup plus réel aujourd’hui, beaucoup plus ancré et réel. On avait déjà cette notion là, mais quand on le vit vraiment, ça amplifie.
Si c’est à refaire on le refera, même avec des conditions pourries, on le refera parce que tant qu’on peut marcher, tant qu’on peut parler des problèmes des personnes qui ne peuvent plus le faire, et bien je pense qu’il faut le faire. Et je pense que chaque être humain devrait le faire. Et surtout, j’ai l’impression que ça nous guérit de notre individualisme aussi parce qu’on on est dans une société assez confortable en hexagone. Parfois, il nous arrive un peu d’être égoïste, qu’on le veuille ou pas.
Il faudrait qu’on puisse aider des personnes qui n’ont pas les moyens de parler et qui sont sans cesse victimes parce qu’elles habitent dans un lieu précis ou parce qu’elles n’ont pas les qualifications pour certains diplômes. Enfin ça remet un coup.
C’est très prenant émotionnellement. Je sais pas comment le dire, mais j’ai pleuré de nombreuses fois sur ce parcours. Je suis une personne très émotive à la base et c’est vrai que l’étape la plus difficile pour moi, c’était celle de Nantes. On est parti visiter le musée dédié à l’esclavage. On a fait un discours dans une cale, dans une représentation de cale de négrier et je ne vais pas vous mentir, ça a été traumatisant pour moi. Que le musée soit en forme de cale de bateau, ce qui veut dire qu’on force encore les gens à aller sous terre pour comprendre notre histoire. Les gens ont peut-être voulu bien faire en faisant ce musée, mais ça se voit que ce ça n’a pas été fait par des personnes qui sont afro-descendantes. Parce que si le projet avait été initié par des personnes afro-descendantes on n’aurait pas cherché à faire un devoir de mémoire de cette façon, on l’aurait fait autrement. Et même s’ils y ont mis de la bonne volonté, c’est toujours la même chose. En fait, on prend notre histoire et puis on nous dit de quelle manière on doit la commémorer. C’est un vrai problème. Donc c’est vrai que cette étape de Nantes a été très traumatisante. La marche a été dure, mais bénéfique.
La portée de la marche c’est aussi qu’aujourd’hui des universitaires nous demandent de participer à leur recherche. Il y a aussi une jeune fille qui nous a contacté qui s’appelle Violette qui est au Canada, qui fait un travail de recherche sur la pollution environnementale, mais alliée avec la pollution raciale, dans une logique intersectionnelle et autour de la criminologie verte.
Je me dis donc finalement que la marche a porté ses fruits puisqu’on arrive à intégrer un peu tous les systèmes de recherche, que ce soit universitaires, parlementaires ou auprès de la société civile. Donc c’est une bonne chose. Ça nous rend visible aussi en fait. C’est super et ça rend visible le travail d’ Yvan et Patricia qui, je rappelle, font un travail très dur : voir des malades tous les jours, voir et constater leur état de santé qui se dégrade. Je sais que psychologiquement, pour Patricia, c’est pas facile. Et il faut avoir le cœur un peu plus solide, mais je sais que c’est très dur parce que là elle a perdu son mari.