Reprises de savoirs

 — Article : Bataille des savoirs au Moulin des Laumes : de l’administration à l’autonomie

Article : Bataille des savoirs au Moulin des Laumes : de l’administration à l’autonomie

Alors que les sociétés occidentales contemporaines ont confié la gestion de toutes les sphères de l’existence à l’expertise d’une superstructure industrialo-capitaliste, se réapproprier la fabrique de la vie quotidienne est un engagement éminemment politique. Ce cheminement vers l’autonomie, c’est celui qu’Itto et Alexis ont voulu suivre en restaurant le moulin à eau dans lequel iels habitent en Bourgogne-Franche-Comté. C’était sans compter sur l’hégémonie des savoirs institutionnalisés, qui met à l’épreuve la légitimité de leur démarche empirique. Reportage.

Article sur un Chantier Reprises de Savoirs 2022 dans Sciences Critiques

Tribune / Jeunes diplômés, nous continuons de déserter car nous refusons d’être complices

Un an après les premiers « discours de désertion » dans les grandes écoles, des diplômés bifurqueurs reviennent sur leur refus de rejoindre « les rangs privilégiés d’une guerre menée par le monde marchand contre le vivant ». Et dressent, dans une tribune à « l’Obs », des perspectives pour l’avenir.

Publié le dans l’Obs
https://www.nouvelobs.com/opinions/20230425.OBS72596/jeunes-diplomes-nous-continuons-de-deserter-car-nous-refusons-d-etre-complice.html

En 2022, beaucoup d’encre a coulé au sujet de la désertion des plus diplômé·es, souvent dans la confusion et la superficialité. Nous, collectifs accompagnant ce phénomène social qui s’intensifie, voulons clarifier ce que nous mettons derrière ce mot.

Deux ans de crise sanitaire ont mis à nu l’absurdité d’un quotidien passé à travailler au service d’une économie déconnectée du réel. 2022 a été l’année des vagues de démissions, des discours dans les grandes écoles et des odes au refus du travail comme marchandise. Dans ce contexte de mouvement social d’ampleur – violemment réprimé – contre une réforme des retraites qui considère les êtres comme des ressources productivistes, nous voulons préciser pourquoi nous avons choisi de déserter, dans l’idée de donner des perspectives et d’élargir le front de la contestation.

Que désertons-nous ?

L’illusion perdure selon laquelle la fin du monde serait empêchée par les responsables du désastre : le capitalisme, l’industrie, la technologie, l’Etat. Quelques pistes cyclables, voitures électriques, panneaux solaires, écoquartiers et autres taxes carbone seraient des « solutions ». Or, notre régime économique repose sur l’exploitation des classes laborieuses et des milieux vivants. Il a imposé un mode de vie et une hiérarchie sur tous les territoires du globe par la violence, étouffant progressivement toute alternative.

Contraint·es de passer par la monnaie pour nous nourrir, nous loger, nous soigner, nous sommes privé·es de tout contrôle sur nos vies et de nos moyens de subsistance. Ce ne sont pas les activités artisanales, agricoles ou artistiques qui remplissent l’estomac, mais plutôt l’individualisme, la compétition et l’héritage. Pour nous, être libre, c’est être capable de prendre en charge directement et collectivement nos besoins primaires. Nous ne voulons plus dépendre de l’industrie pour y subvenir.

Jeunes diplômé·es, nous étions parti·es pour des carrières promettant confort et privilèges, en échange de notre loyauté à la classe bourgeoise dominante. Nous avons déserté, car nous refusons ce rôle de complice. Nous désertons les rangs privilégiés d’une guerre menée par le monde marchand contre le vivant. Nous désertons le carriérisme, et les vaines tentatives de verdir le monstre depuis son intérieur. Nous désertons le culte de la technologie, et les fausses solutions promises par l’industrie pour combattre ses propres fléaux.

Déserter pour mieux riposter

Nous souhaitons sortir de l’entre-soi et entrer en résistance, aux côtés de celles et ceux qui se battent pour la terre et la liberté. De la défense des communs à la lutte contre les politiques autoritaires et impérialistes, nous partageons nos connaissances des rouages de la machine avec celles et ceux qui tentent de l’enrayer. Cadres dits « supérieurs », habitué·es à la ville, aux salles de cours et aux bureaux, nous ne sommes pas les mieux placé·es pour nous réinventer paysan·nes et artisan·es. Alors nous apprenons auprès de personnes qui vivent humblement et fièrement, sachant faire des choses par elles-mêmes.

Nous n’inventons rien. Des luttes marronnes aux exodes anti-industriels post-68, du refus de parvenir ouvrier du début du XXe siècle aux stratégies zapatistes des années 1980, nos désertions trouvent leur inspiration dans une histoire riche de mouvements qui ont voulu tantôt résister à l’oppression, tantôt transformer leur monde, mais toujours en défaisant le pouvoir plutôt qu’en le conquérant.

Sortir des oppositions stériles

Nous souhaitons en finir avec le faux débat opposant « les privilégié·es qui désertent pour élever des chèvres » et « les collabos réformistes qui restent à l’intérieur ». Nous mesurons que la critique radicale de la société que nous portons est partagée par beaucoup, que des alliances sont à construire. Nous pouvons avoir des méthodes différentes : avec ou sans les institutions ; légales ou illégales ; violentes ou non ; locales, régionales ou nationales, voire internationales. Nous acceptons la diversité des tactiques, tant que l’on partage un horizon commun.

Ceci dit, beaucoup d’énergie est mobilisée aujourd’hui pour résister depuis l’intérieur, quand nous sommes encore trop fragiles pour construire de vrais rapports de force depuis l’extérieur. Nous n’enrayerons pas la spéculation sur le foncier agricole en la dénonçant uniquement, mais en allant physiquement reprendre les terres ! Nous ne règlerons pas le problème de la sécheresse avec des petits gestes, mais en reprenant la gestion commune de l’eau, en commençant par mettre un terme aux projets de mégabassines ! Nous ne ferons pas la transition avec des centrales de production industrielle d’énergie, qu’elles soient nucléaires ou « renouvelables », car elles reposent sur un pouvoir centralisé, un régime néocolonial, des infrastructures nuisibles et alimentent la même mégamachine. Pour nous, la transition se fera en démantelant ces technologies autoritaires et l’extractivisme global !

Chez les révolté·es solitaires, l’isolement face à l’ampleur du désastre peut générer un sentiment d’impuissance écrasant. Il paraît souvent inconcevable de tout plaquer pour s’engager, sans solution ou plan à grande échelle. Mais il n’y aura jamais de chemin facile, de bouton « sortir du cauchemar » ou de bulletin de vote magique. Déserter, c’est aussi briser cet isolement pour se redonner une puissance d’agir collective. Notre désertion est joyeuse, elle nous rend conscient·es, capables, fier·es de nos apprentissages, et solidaires avec celles et ceux qui croisent nos routes.e

Etudiant·es, salarié·es, retraité·es, sans-emplois… Désertons ! Envisageons toutes les formes de désertion comme des options non seulement possibles, mais nécessaires, sérieuses, et désirables. Créons des réseaux de subsistance où chacun·e pourra vivre dignement. Préparons-nous à lutter pour celles et ceux qui nous entourent et en solidarité avec celles et ceux qui sont loin, pour défendre des milieux vivants et pour reprendre aux tout-puissants ce qui appartient à tous·tes… Construisons un mouvement large et transversal de démissionnaires solidaires pour renverser le rapport de force !

Des membres du discours d’AgroParisTech en 2022, les collectifs Les Désert’heureuses et Vous n’êtes pas seuls.

Séminaire Terrestres 14.02

Le collectif des Reprises de Savoirs – émanation des rencontres Reprises de Terres qui se sont tenues en août 2021 à Notre-Dame-des-Landes – avait lancé au printemps 2022 un appel (ci-dessous) à reprendre collectivement les moyens, les pratiques et les savoirs nécessaires à notre subsistance et à notre condition terrestre, à travers l’organisation de chantiers-écoles. Suite à cet appel, 22 chantiers-pluriversités associant têtes, cœurs et mains, luttes et savoirs, autogestion et création ont eu lieu entre juin et octobre 2022. Et une rencontre inter-chantiers s’est tenue en novembre aux Tanneries à Dijon pour préparer la suite des reprises de savoirs.

Que s’est-il expérimenté et éprouvé dans ces chantiers (liste des chantiers ci-dessous) ? Quelles ont été les enthousiasmes et les difficultés à « reprendre les savoirs », à partager des savoirs terrestres ? Quels apprentissages et envies ont émergé des rencontres interchantiers de novembre aux Tanneries à Dijon ? Comment rejoindre cette dynamique et/ou proposer des chantiers reprises de savoirs dans les prochains mois ? 

Vous êtes cordialement bienvenu.e.s à ce séminaire polyphonique, horizontal et participatif !

Mardi 14 février à 19h30 à la Parole Errante (9 Rue François Debergue, Montreuil)

info : https://www.terrestres.org/2023/01/09/seminaire-du-19-janvier-2023-quelles-reprises-de-savoirs/

La terre ou rien _ édito

On vous invite à lire sur terrestres.org l’édito du prochain numéro hors série de Socialter « Ces terres qui se défendent ».

Pour quelles raisons mener des « enquêtes » ? Parce que nous ne voulions pas partir de réponses toutes faites, mais nous mettre en quête des bonnes personnes, pour construire les bons problèmes.

Au-déformation : Brochure Riso

On s’est prit deux jours à l’atelier Riso de l’espace autogéré des Tanneries de Dijon pour imprimer une brochure avec 10 des récits d’auto-déformation. C’est trop bien d’imprimer en risographie.
Pour trouver un exemplaire, contactez-nous et on trouvera un moyen : salut@reprisesdesavoirs.org

Démissionner, bifurquer, déserter, émission sur lundi·soir

https://lundi.am/Demissionner-bifurquer-deserter

Démissionner, bifurquer, déserter… pour ne plus alimenter la machine, pour ne pas contribuer à la destruction du monde en cours. C’est le choix que certains ingénieurs ont fait : trahir ce à quoi leurs études les prédestinaient.

L’énorme écho rencontré par l’appel à déserter et à bifurquer de jeunes diplomés d’AgroParisTech indique à quel point ce qui se joue dans cette épidémie de « pas de côté » ne peut être réduit à une somme de prises de conscience individuelles en vue de réorientations professionnelles plus « responsables ». Si la figure de l’ingénieur est couramment associée aux classes supérieures, sa fonction dans le capitalisme contemporain est pourtant très différente de celle de la bourgeoisie classique. L’ingénieur ne détient pas de capital ou des moyens de production, il est capital et moyen de production. Décider de déserter après de longues études d’ingénieur, c’est manifester la violence de sa déception vis-à-vis de ce à quoi l’on sait que l’on va être employé. C’est s’apercevoir de ce à quoi l’on va servir au fil de son propre apprentissage. Mais qu apprend-on précisément dans ces écoles ? Quelles connaissances et compétences sont à se réapproprier ou à oublier ? S’agit-il de bifurquer ou de déserter ? A partir de quels seuils une somme de retraits du monde se transforme en constructions de mondes ? Comment faire sécession comme on mène un assaut ? Toutes ces questions tiraillent l’époque, elles en sont même probablement le cœur. Comme elles n’appellent pas de réponses toutes faites et prêtes, il s’agit de les ouvrir, de les déplier et de voir ce qu’elles appellent de nous et là où elles nous mènent. Pour ce lundisoir nous avons convié Romain Boucher, ingénieur diplômé de l’École des Mines, membre de l’association Vous n’êtes pas seuls, Eva et Sam des Désert’heureuses ainsi que Tité des Pluri-versité.

Ne charretons plus pour un monde délétère


Il y a un plus d’un an sortait une tribune qui invitait à mettre un pied dans les luttes pour repolitiser les études autours de l’architecture et des territoires. Elle fait écho à la récentre prise de parole des étudiant·es d’agro paris tech… Cette tribune à initialement été publiée sur topophile.net et reporterre.net en mars 2021


Ne charrettons plus pour un monde délétère !

Plusieurs médias nationaux (1) ont publié ces derniers mois différents articles sur la culture de la charrette, les abus, pressions dans les écoles et la désillusion des jeunes professionnels. Les faits relatés ne sont pas nouveaux. Il nous a semblé que les symptômes mis en lumière sont ceux d’un malaise bien plus profond, sur le sens et le rôle politique de celles et ceux qui conçoivent et construisent les territoires dans une société qui continue de dérouler un projet destructeur du vivant. Les luttes nécessaires face à cette destruction nous paraissent dessiner des lignes bien plus désirables.

Les faits relatés ne sont pas nouveaux. « La charrette », on doit cette expression au XIXe siècle, à l’époque où l’architecture était intégrée aux Beaux-Arts durant laquelle de véritables charrettes transportaient en urgence les panneaux de rendus des étudiants aux salles d’examens. Le mythe veut que les étudiants travaillaient jusqu’au dernier moment sur leur rendu de projet à présenter au jury : « être charrette », c’est cette manière de travailler dans l’urgence et le stress, parfois la nuit, pour rendre des projets. Cette forme d’organisation est toujours présente dans le champ professionnel, conséquence du système de commande mais également des modes d’organisation au sein des agences.

Diplômé pour aménager le désastre ?

Il nous a semblé pourtant que les symptômes mis en lumière dans ces articles révèlent un malaise plus profond, lié au sens et au rôle politique que seront amenés à tenir celles et ceux qui conçoivent et construisent les territoires aujourd’hui. Car ils devront intervenir dans une société qui continue de dérouler un projet destructeur du vivant.

Les titres de presse cités sont autant de lignes de tristesse face à la réalité actuelle de l’architecture. Que ce soit la logique de métropolisation qui exploite des territoires de plus en plus lointains tout en maltraitant une partie de sa population en détruisant des lieux de vie, et des lieux de natures et de sociabilité ; que ce soit la logique d’extraction de ressources et de participation au rejet de CO2 dans l’atmosphère (2) (avec la construction intensive dans le cadre de grands projets, en Île-de-France par exemple) ; ou que ce soit les processus de décision et de financement qui, malgré tout un tas d’habiles artifices participatifs, continuent d’augmenter les inégalités (dans le cadre des grands projets métropolitains tel que ceux cités précédemment, qui déplacent dans des processus de gentrification classiques les populations les plus précaires à la marge des zones riches en services et bien desservies). Pour une large part, l’architecture et l’aménagement des territoires sont au service d’un marché néolibéral qui s’entête à épuiser le(s) vivant(s).

Ainsi les écoles d’architecture, d’urbanisme et de sciences politiques, de plus en plus imprégnées de telles logiques, tendent à constituer l’antichambre technique de ce marché. Quand elles investissent les questions écologiques, c’est trop souvent pour déployer un imaginaire cynique de la « transition » ou de la ville « durable » inscrit dans les logiques du « développement », qui prolonge la manière de gérer le désastre sans engager la nécessaire sobriété et résilience Les exemples de projets titanesques tels ceux du Grand Paris ou des JO 2024 illustrent des modèles et imaginaires urbains hors d’échelles, fondé sur l’urbanisation intensive et l’innovation technologique que certains enseignements déploient.

Dans un même mouvement, l’affaiblissement du processus de critique interne à la discipline et la dépolitisation des pratiques au profit d’une approche principalement technique et opérationnelle sont constitutifs de cette transformation des écoles.

Il est ainsi de plus en plus difficile au sortir des écoles de se positionner en praticien·ne·s engagé·e·s ancré·e·s dans la réalité des problématiques auxquelles nous devons faire face si l’on prend au sérieux les questions écologiques et sociales.

Mais, même les diplomé·e·s ayant développé une approche critique pendant leurs études devront se conformer, dès leur entrée dans le monde du travail, au BIM (Building Information Modeling) et à la smartcity. Outils de conception et matrices de pensée du développement métropolitain, moteur du capitalisme vert. Ces outils avalisent l’idée que l’écologie du futur va dépendre du nombre de capteurs que l’on sera capable de positionner dans les villes, et engagent de fait une société de surveillance qui ne remet aucunement en question son modèle de croissance de d’extraction.

Face à ces perspectives tristes et délétères, plutôt que de se demander « Comment mieux construire ? », nous préférons nous mettre au travail autour de la question : « Quelle culture voulons-nous nourrir ? » (3)

On ne protège pas le vivant sans être vivant soi-même

Une culture soumise à des rapports de domination, des pressions politiques, des lobbies et un système patriarcal ne peut contribuer à un monde écologique et empathique. En opposition à celle-ci, nous retrouvons des lignes des joies quand nous sommes capables de nourrir collectivement une culture sensible des amitiés, du commun et du vivant.

Pour cela, en tant qu’étudiant·e·s, professionnel·le·s, enseignant·e·s et habitant·e·s, nous devons oser dire « non ». Trop de charrettes, trop de projets construits trop vite, trop de compromis, trop de lobbies, trop de béton… Nous devons oser dire : « Je ne participerai pas à cela », et passer à l’acte en cultivant d’autres manières de concevoir et de construire, en inventant d’autres modèles et en occupant le terrain politique.

Nos professions sont submergées par une accumulation de réglementations, de normes, de certifications et autres labels. Ce cadre ultra-contraignant, centré sur la technique et la sécurité, empêche la créativité, l’autonomie, ainsi que le déploiement d’une réflexion sur leurs sous-jacentes politiques.

Il ne tient qu’à nous d’interroger, de détourner et de sortir du cadre pour défendre ce qui nous semble juste : privilégier les lieux et leur singularité, expérimenter les savoir-faire locaux, prendre le temps de concevoir et de questionner l’acte de bâtir. Questionner, désobéir, résister, défendre, et ainsi initier les ruptures nécessaires.

Penser le politique dans la vie, cesser d’en faire un champ séparé

L’architecture peut faire naître de multiples alternatives constructives et sociales. Mais pour ne pas se laisser instrumentaliser par les stratégies de « washing » en tout genre, il faut ancrer ces alternatives dans des formes et pratiques de résistances toujours en mouvement qui tiennent des lignes de front, notamment : prôner la vie avant l’économie !

Justement, certaines expériences vécues par nombre d’entre nous ont transformé le sens que l’on donne à nos métiers : ZAD, Ateliers populaires d’urbanisme, Extinction Rébellion, désobéissance civile, blocages, squats, friches, camps climat, collectifs de résistance citoyenne…

Prendre une demi-journée pour appuyer juridiquement l’ouverture de squats dans des territoires où les logements vacants dépassent souvent les 10 %. Dessiner et tailler des charpentes pour installer des maisons du peuple en lieu et place de grands projets inutiles. Participer à des actions de blocage d’entreprises qui intoxiquent le monde. Prendre part à des actions de reprises de terres pour soutenir une agriculture paysanne. S’engager dans le quotidien d’un territoire pour développer avec ses habitant·e·s une culture de la résistance face à la métropolisation. Défendre un jardin partagé. Cuisiner pour une cantine populaire… Ces prises de position et actions font exister des formes offensives indispensables pour enrayer ce régime de destruction. Elles nous consolident en tant que force sociale et puissance politique multiple, autonome des institutions technocratiques qui entretiennent les dynamiques toxiques en cours.

Ces actions nous encouragent à penser le politique dans la vie, à cesser d’en faire un champ autonome, séparé, dont il est tellement facile de s’isoler.

En architecture comme ailleurs, chacune de ces expériences de solidarité et de lutte, hors des relations marchandes, dont on ne saurait faire de liste exhaustive, transforment la manière dont nous pouvons nous engager dans nos vies et nos métiers.

L’année écoulée a éclairé crûment les inégalités existantes et la gestion autoritaire en germe. Malgré l’impuissance dans laquelle elle nous enserre, elle nous a aussi donné la force de nous engager dans les chemins de solidarité et de sobriété. Pour celle qui vient, sachons nous organiser pour affirmer notre détermination et bifurquer radicalement.

C’est depuis ces expériences conflictuelles, ces écoles du réel et des quotidiens habités, que nous trouvons l’énergie et le sens de matérialiser des architectures et des lieux de savoirs qui nourrissent une culture des communs respectueuse du vivant !


1) Entre autres, Libération : « École d’architecture : un régime basé sur la terreur, le harcèlement et l’intimidation » ; Les Échos Start : « Étudiants en architecture, ils (se) construisent dans la douleur  » ; Le Monde : « En école d’architecture, les dérives de la culture charrette », « Onnous a vendu un rêve : de l’école à l’agence, les désillusions des jeunes architectes »…

(2) Pour rappel, l’industrie du bâtiment représente 39 % des émissions de CO2 mondiales, dont 8 % pour le béton.

(3) Nous empruntons l’expression à Isabelle Frémeaux et John Jordan, qui ont engagé cet été un débat sur les partenariats toxiques avec des entreprises qui cherchent à maintenir l’acceptabilité sociale de leurs pratiques délétères.


Cette tribune est co-publiée par Reporterre et Topophile.

Plus de 80 personnes de tous horizons l’ont signée à ce jour : architectes, enseignant·e·s, anthropologues, chercheurs & chercheuses en sciences humaines qui travaillent sur les questions de territoires et des luttes. Elles et ils s’associent à la tribune tant sur le plan social que climatique.

Lea Hobson, architecte et activiste | Étienne Delprat, architecte et enseignant | Tibo, architecte et activiste, Notre-Dame-des-Landes | Julien B., associatif, Nantes | Julien Dupont, architecte, artisan, enseignant, Nantes | Isabelle Lesquer, militante associative, Nantes | Florian Perennes, étudiant ENSA, Nantes | Grégoire Bignier, enseignant ENSA Paris Val-de-Seine | Frédéric Denise, architecte objecteur de croissance, Paris | Sibylle d’Orgeval, réalisatrice, Paris | Benoit Rougelot, architecture du vivant, Paris | Vincent Rigassi, architecte et enseignant ENSA Grenoble | Cyrille Hanappe, architecte, enseignant-chercheur ENSA Paris Belleville| Maarten Gielen, coopérant de Rotor DC, Bruxelles | Jean-louis Tornatore, anthropologue, professeur à l’Université de Bourgogne, Dijon | Jean-Baptiste Comby, sociologue, maître de conférences, Nantes | Stéphane Lavignotte, militant écologiste et pasteur, Seine-Saint-Denis | Germain Meulemans, chercheur postdoctorant au laboratoire Pacte, Cité des territoires, Grenoble | Paul Chantereau, architecte et écrivain, Auvergne | Marie Menant, architecte, enseignante, doctorante | Jean Harari, architecte, Île-de-France | Pierre Couturier, maître de conférences en géographie, Université de Clermont, Auvergne | Léa Longeot, association Didattica, Île-de-France | Juliette Duchange, paysagiste, Drôme | Damien Najean, architecte, Puy-de-Dôme | Sylvain Adam, architecte, association APPUII, Île-de-France | Bernarth Godbille, maître de conférence ENSA Lille | Jean-Baptiste Bahers, chercheur CNRS en aménagement du territoire, Nantes | Paul Léo Figerou, étudiant des Beaux-Arts, Marseille | Revue Topophile, l’ami·e des lieux, la revue des espaces heureux, Paris | Alessandro Pignocchi, auteur de B.D., Bois-le-Roi | Jonathan Goffé, ingénieur, docteur, Paris | Ivan Fouquet, architecte, Paris | Tiffany Timsiline, architecte, Côtes-d’Armor | Sabine Guth, architecte, ENSA Nantes, Paris | Catherine Clarisse, architecte et maîtresse de conférence ENSAPM, Paris | Yvann Pluskwa, architecte, Marseille | Mathias Rollot, auteur et maître de conférences en architecture, biorégion rhénane | Antoine Lagneau, chercheur-associé au LIR3S – Université de Bourgogne | Elissa Giraudet, architecte et coordinatrice écoconstruction, Loire Atlantique | Antoine Lagneau, chercheur-associé au LIR3S – Université de Bourgogne | Hugo Dubois, étudiant (ENSA Nantes) | Antoine Kilian, architecte et enseignant-chercheur, Marseille | Stéphane Herpin, architecte sans frontières, Marseille | Baptiste Furic, architecte, Puy de Dôme | Quentin Mateus, ingénieur low tech, Concarneau | Coline Scoarnec, architecte, Marseille. | Marwan Filali, architecte, Marseille | Merril Sinéus, architecte urbaniste, enseignante et membre fondatrice du réseau scientifique thématique « SUD-Pratiques et Pédagogies Coopératives » | Dorothée Guéneau, architecte urbaniste, Nouvelle Aquitaine | Nicolas Gautron, enseignant ENSart Limoges | Florent Chiaperro, architecte et chercheur | Philippe Eustachon, comédien-metteur en scène, Paris | Ariane Cohin, architecte et auto-constructrice, Île-de-France | Ester Pineau, architecte, Nantes, Paris | Paul Chaufour, militant associatif, la Récolte urbaine, Montreuil | Emmanuel Cappellin, réalisateur, Saillans | Armelle Breuil, architecte et activisite Extinction rébellion, Oslo, Norvège | Marion Delplancke, metteuse en scène, Paris | Marie Durand, architecte, enseignante ENSA Marseille | Perrine Philippe, architecte, Seine-Saint-Denis | Grégoire Barraud, architecte, Nantes | Claire, Damien, Mélia, Pascaline, Véronique, Violaine, architectes et paysagistes, les Saprophytes, Nord | Yvan Detraz, architecte, Bruit du frigo, Bordeaux | Claire Mélot, architecte et doctorante en philosophie, Berlin | Jeanne Rivière, architecte, Paris | Didier Gueston, architecte, Paris | Maud Lévy & Antoine Vercoutère, architectes, Paris | Paul-Emmanuel Loiret, architecte, enseignant-chercheur ENSA Versailles | École 0, collectif pluridisciplinaire, Maine-et-Loire | Marielle Maçé, directrice de recherches au CNRS, spécialiste de théorie littéraire | Sébastien Eymard, architecte, Encore heureux, Paris | Baptiste Morizot, philosophe, maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille | Joséphine Germain, architecte, Paris | Guillaume Nicolas, architecte, enseignant, Montreuil, Rouen | Sara Carlini, architecte urbaniste, enseignante, doctorante | Bénédicte Mallier, architecte | Emmanuelle Guyard, concierge designeure, Cunlhat, Puy-du-Dôme | Alice Leloup, paysagiste et architecte, Concarneau | Guillaume Quemper, paysagiste, Île-de-France | Romain Minod, architecte, Île-de-France | Collectif Etc, architectes, constructeurs, Marseille, Drôme | Lucile et Sabine, designers alternatives urbaines, collectif ÇAVAPU, Paris | Sabine Thuilier, architecte, enseignante ENSA Clermont-Ferrans | Alia Bengana, architecte, enseignante | Céline Tcherkassky, architecte, Saint-Denis